D'un élève actif en classe aujourd'hui … au citoyen acteur des territoires demain
Jouer aujourd’hui pour être acteur demain... Une réflexion de Christian Grataloup, professeur de géographie à l’université Paris VII (2007)
L'intercommunalité
Un pays développé
Le littoral d'un pays développé
Une île tropicale
La mondialisation
Un espace tropical
Les espaces proposés
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En France, le jeu pédagogique n’a jamais eu très bonne presse. Alors que dans certains pays voisins, le Royaume-Uni tout particulièrement, cette pratique est banale, elle ne cesse de susciter la méfiance dans le contexte de l’école française. Cela pourrait pourtant surprendre dans le cas de la géographie qui a intégré les démarches modélisatrices depuis plus de trente ans, sauf à réaliser combien les fondements disciplinaires sont profondément identitaires. On le comprend mieux en tenant compte du caractère typiquement national de l’association entre l’histoire et la géographie, ancrée dans une logique patrimoniale. Dans un tel contexte, l’enseignement ne peut proposer que du Vrai. Or le jeu offre du vraisemblable, il fait appel à la logique, à l’exploration des possibles. On comprend ainsi combien les outils pédagogiques proposés ici par Christian Nace intègrent une dimension explosive latente. Le propre d’une simulation – terme prudent qui a le mérite de mettre en avant le caractère expérimental de la démarche – est justement de laisser du jeu. Alors que la géographie scolaire française présente habituellement un état du monde et du territoire national qui a la puissance du fait, qu’on peut tenter de comprendre mais qu’on ne discute pas, les simulations partiellement ouvertes permettent, elles, de faire prendre conscience des acteurs et des enjeux. En effet, mettre en avant le fait de simuler le réel pour mieux en dégager les possibles s’avère particulièrement pertinent si on a l’ambition de former des individus actifs dans les configurations sociales dont ils seront partie prenante. De ce fait, le jeu se situe en rupture avec le modèle stato-national où l’aménagement du territoire avait pour seul maître d’oeuvre l’Etat, où les positions et intérêts de groupes ne pouvaient être finalement que convergents dans un consensus dépolitisé. Il ne s’agit pas, dans un tel cadre, de s’intégrer à une société de négociation mais à une communauté nationale profondément transcendante. Ainsi le jeu pédagogique ne pouvait être envisagé au mieux que comme une aimable distraction de fin de trimestre, au pire comme le risque d’un lieu de contestation des faits programmés. Mais les finalités ne peuvent que changer. Penser comme terrains d’action et de négociation les niveaux locaux, mais aussi européens et mondiaux, penser les décisions localisées comme des enjeux de négociations entre collectivités territoriales de différents niveaux, mais aussi avec des associations et des entreprises, devient un objectif nécessaire. Or, s’il s’agit d’apprendre à être vraiment acteur, de construire sa liberté, d’apprendre à discuter ses marges de manoeuvres, il faut d’un même mouvement apprendre à en connaître les limites. Dans une telle perspective, l a simulation est l’un des meilleurs outils possibles, à moins de présenter une situation totalement prédéterminée, ce qui n’est pas du tout le cas ici car plusieurs scénarios sont possibles. C’est ce qu’analyse toute discussion d’après « jeu » et c’est un moment essentiel. Il permet de progresser et de se retrouver plus performant lors des prises de décisions simulées ultérieures. Pour cela, il faut tenir compte des autres, de ses partenaires comme de ceux qui sont éventuellement vécus comme adversaires. A la différence d’un jeu informatique solitaire (les jeux en réseau sont différents) dont le mérite essentiel peut être l’apprentissage des contraintes de règles, les jeux collectifs supposent de prendre constamment en compte l’attitude des autres, de marchander, de convaincre, d’accepter des compromis. C’est là sans doute l’un des investissements les plus rentables du temps passé à des simulations pédagogiques. Pourtant, une réticence forte existe vis-à-vis de ces activités : elle découle de leur importante consommation de durée. Mais rare est le temps scolaire qui peut être mieux dépensé . C’est en effet une activité fortement socialisante et qui permet d’établir un lien entre les pratiques quotidiennes des élèves en dehors de l’école, dans leurs différentes formes de relations sociales, tant à l’intérieur de leur classe d’âge qu’avec les adultes, et les objectifs scolaires. L’ intérêt est justement d’apparaître comme une rupture par rapport à un modèle d’imposition ; il est évidemment important que les simulations ne puissent pas être rapidement ramenées par les élèves à des exercices présentés un peu différemment ; le sentiment de tromperie sur la marchandise aurait des effets contre-productifs. Le risque est faible si la simulation est bien conçue, laisse « du jeu » et permet d’être, le temps d’un cours, un acteur pris au sérieux. Les outils présentés ici permettent parfaitement de construire de telles démarches. Les jeux pédagogiques, ceux qui s’intéressent à des activités d’aménagement en particulier, sont donc un coin enfoncé entre une pratique scolaire vécue trop souvent comme hors de la vie et une vie d’école plus structurée comme un conflit larvé et quelquefois ouvert que comme un terrain de négociation. En d’autres termes, ce sont des pratiques effectives d’éducation du citoyen dans toutes ses dimensions.
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